Route de la Craie – Arcis-sur-Aube
En 1721 Pierre Grassin, seigneur d’Arcis, fait construire ce château, aujourd’hui mairie, sur l’emplacement de l’ancien château féodal.
Les murs sont élevés en pierre de craie avec un toit à la Mansart recouvert d’ardoises.
A l’intérieur, le hall au rez-de-chaussée donne accès aux deux pièces principales, devenues salle des mariages et bureau du maire. L’accès à l’étage se fait par un escalier de pierre avec une rampe présentant un beau travail de ferronnerie*.
Les deux tours, de part et d’autre de la grille, sont les vestiges du château féodal. La première, ancien colombier, a été rasée au-dessus de la voûte de sa salle basse. La seconde, coiffée d’une poivrière au XVIIIe siècle abritait la prison et l’auditoire du bailliage.
Après Pierre Grassin, la terre d’Arcis passe à Barthélémy Thoinard, fermier général, en mai 1753, puis est achetée par Arnaud Barthélémy, Marquis de Labriffe en février 1771. En août 1862, la propriété passe par adjudication au Comte Ernest Armand.
Ces 2 familles – Labriffe en 3 générations et presque 100 ans et Armand en 2 générations et plus de 50 ans de présence – ont contribué à l’essor des industries. Propriétaires de l’île de Cherlieu, parfois bâtisseurs : grand moulin, filature et scierie, sont loués aux meuniers et industriels. Les initiales des Labriffe figurent sur le tympan des grilles d’entrée du château et le plus imposant monument du cimetière a été érigé par les descendants.
En décembre 1918, Abel comte Armand, vend château et parc à Albert Dupré, bonnetier à Romilly-sur-Seine, qui fait modifier la façade principale pour lui donner son aspect actuel. Les communs, de part et d’autre de l’entrée, sont démolis dans les années trente. Robert Dupré en hérite à la mort de son père en mars 1943.
La mairie, qui est située rue de Paris depuis 1904, est détruite lors des bombardements de juin 1940. En décembre 1948, la ville achète le château et son parc** pour les transformer en hôtel de ville et en jardin public ; après aménagements, la mairie est inaugurée le 1er mai 1955. Arcis-sur-Aube est une des rares villes de France à avoir un château pour mairie.
*Plusieurs parties sont inscrites au titre des monuments historiques (IMH) depuis le 21 mars 1983 : façades et toitures du château et de la tour Est, tour Ouest, grille et portail d’entrée, hall d’entrée, escalier et rampe, bureau du maire et salle des mariages.
**L’ensemble formé par le château et le parc est inscrit à l’Inventaire des sites pittoresques de l’Aube depuis le 12 juillet 1948.
Les grilles d’entrée, le château, les communs avec leur toiture de tuiles rouges et la tour
Façade principale du château avant sa transformation dans les années 1920
Surplombant le cours de la rivière Aube, la terrasse offre un panorama à 180° ; retournez-vous cependant vers la façade qui mérite votre attention.
Caractéristique du XVIIIe siècle, élevée sur deux niveaux avec un large fronton triangulaire, elle s’ouvre au rez-de-chaussée par trois hautes fenêtres aux arcs en plein cintre. Les clés de ces arcades sont ornées de mascarons.
Remarquez les nombreux impacts de projectiles témoignant de l’intensité des combats lors des journées des 20 et 21 mars 1814 où s’affrontent l’armée napoléonienne et la coalition Austro-Russe. C’est une des dernières batailles de la Campagne de France.
Devant l’avancée des 90 000 Autrichiens du général Schwartzenberg, Napoléon 1er, qui a établi ici son quartier général, se retire en laissant de nombreux tués et blessés. Cent-vingt maisons disparaissent dans les flammes.
Le 12 juin 1940, le général de Gaulle rencontre le général Huntziger, commandant de la IIe armée au château d’Arcis, son quartier général. Ensemble, ils décident d’arrêter les hostilités et de poursuivre la guerre outre-Manche.
Après l’introduction des métiers à tisser par le seigneur Pierre Grassin vers 1730, Arcis, berceau de la bonneterie auboise, connaît un essor considérable.
Dans la première moitié du XIXe siècle, le parisien Jules Savouré, négociant en bonneterie, édifie à Arcis une usine dont les produits sont réputés pour leur qualité de fabrication.
Il acquiert alors cette maison bourgeoise. C’est la Maison Marion décrite dans Le Député d’Arcis par Balzac, désormais appelée Maison Savouré par les arcisiens. Cette importante construction, avec le rez-de-chaussée en craie et les parties supérieures en pan de bois et torchis, est caractéristique du style Champenois.
Au début du XXe siècle, elle subit une importante restauration avec, notamment, l’élimination de l’enduit qui protégeait et masquait la structure en pan de bois. Le toit à la Mansart confère à cette imposante demeure son caractère bourgeois.
Dans la logique de patriarcat social des patrons de cette époque, Jules Savouré, pour s’attacher ses meilleurs ouvriers, fait édifier en 1910, à l’ouest de la ville, un immeuble de logements qui existe toujours : la Cité Savouré.
Suite aux bombardements de 1940 et à la destruction de l’église, la ville est dépourvue de lieu de culte. En 1947, une chapelle en pin est érigée dans la partie ouest du parc du château.
Offerte par les pays scandinaves dans le cadre d’aides à la reconstruction de l’Europe, cette chapelle était à l’origine un temple protestant dénué de tout mobilier. Aménagée et décorée par les entreprises et bonnes volontés locales, elle abrite les offices durant 27 ans. Elle est démontée en 1974, suite à la remise au culte de l’église Saint-Etienne.
Sapinville
La «Cité-jardin» est édifiée dès 1941 route de Nozay, pour reloger en urgence les sinistrés du centre-ville. Les baraquements en bois et contreplaqué s’inspirent des modèles Adrian utilisés durant la 1ère Guerre Mondiale.
Renommé Commune libre de Sapinville, ce quartier désigne son propre maire ; il a ses fêtes et ses bals. Il reste le symbole d’un lieu d’entraide où les clivages sociaux et intérêts personnels sont dépassés, durant l’Occupation et la période de reconstruction. Les baraquements démolis au cours des années 60 permettent l’expansion de la ville, en conservant le tracé des rues de Roger Nédonchelle, l’architecte parisien concepteur de cette cité.
La première pierre de l’église Saint Etienne est posée en 1503 par la volonté de Jean de Poitiers, Bâtard d’Arcis, Seigneur de Mailly et Saint Vallier. Une nef, deux bas-côtés et une abside à chevet plat composent son plan. De cette période, subsistent les portails finement sculptés où pampres de vigne et crochets côtoient mouchettes et salamandres, révélant le style gothique flamboyant de la fin du Moyen-Age. Malgré les nombreuses restaurations subies par l’édifice, le plan initial a toujours été respecté.
Comme la ville, la vie de cette église est rythmée par les incendies, les batailles et bombardements. En 1625 un incendie ne laisse que le clocher, l’édifice est reconstruit en 1650. En 1727, la ville est la proie des flammes qui n’épargnent que 32 maisons ; les cloches fondent dans la fournaise. Dès 1730, Pierre Grassin, Seigneur d’Arcis, finance la restauration. L’église est dotée d’un clocher à dôme et lanternons. Quatre vers du poète Alexis Piron, gravés sur une plaque fixée sur la façade, commémorent cette renaissance.
A la suite de la révolution, puis de la bataille d’Arcis en 1814, l’édifice est de nouveau fortement délabré.
En 1840, l’église est classée sur la liste des Monuments Historiques. Les maisons construites entre les contreforts, qui la fragilisent, sont supprimées. De gros travaux de restauration se succèdent durant toute la seconde moitié du XIXe siècle, puis des travaux d’entretien de 1904 à 1938, qui permettent de lui redonner tout son éclat.
Le 11 octobre 1959, cinq cloches sont baptisées lors d’une cérémonie qui marque les esprits. Elles rythment toujours la vie des arcisiens.
Balade arcisienne
Dimensions intérieures 17,80 x 43,20 m`
En filigrane, le plan de l’église de Lhuître : 16,60 x 49,80 m
Les 13 et 14 juin 1940, la ville d’Arcis-sur-Aube est bombardée. L’église est répertoriée parmi les édifices «classés» les plus endommagés par le ministère des Beaux-arts.
Une restauration d’envergure débute en 1950. De nombreuses équipes de maçons, charpentiers, sculpteurs se succèdent afin de reconstruire l’édifice dans les proportions originelles. L’église Saint Etienne est rendue au culte le 8 décembre 1974.
La nef et le chœur, rythmés de 6 travées, ont une hauteur de 14 m sous voûte et s’élèvent sur deux niveaux.
La lumière par les verrières incolores de la partie supérieure illumine l’édifice. La blancheur de la pierre de l’Yonne utilisée pour la construction domine et renforce la pureté des lignes de l’ensemble, insufflant à ce lieu élan et élévation.
Mobilier
Le mobilier qui ornait l’édifice avant 1940 a disparu. La vingtaine de statues dont un Saint Jacques du XVIe, les tableaux, les boiseries, le maître-autel baroque et l’orgue en tribune du XVIIe siècle n’ont pu être sauvés.
Aujourd’hui, la blancheur et la pureté de l’église mettent en valeur deux œuvres majeures : une Vierge à l’enfant du XIVe siècle offerte par le village de Ramerupt au cours de la restauration et le Christ en croix de 1977 de François Brochet, sculpteur de Vézelay et élève de Fernand Py (ci-contre).
Intérieur de l’église avant 1940
Vitraux
En 1939, Jean-Jacques Gruber, peintre-verrier (1904-1988) – fils de Jacques, un des grands noms de l’Ecole de Nancy – missionné par l’Etat, dépose les verrières les plus anciennes afin de les mettre à l’abri. Les vitraux du XIXe siècle signés par de grands ateliers verriers tels Champigneulles, Lavergne ou Didron, sont détruits pendant les bombardements.
On peut donc admirer un ensemble de vitraux datés des années 1510, restaurés et remis à leur emplacement initial. D’une iconographie et d’une stylistique propres au XVIe siècle, ces verrières ont été offertes par les familles bourgeoises et les corporations arcisiennes.
Ainsi, l’histoire de l’Arche de Noé côtoie la légende de Saint Nicolas dans le bas-côté nord de l’église. Dans le chœur, sont illustrées les histoires de Saint Crépin et Saint Crépinien, de Saint Pierre ; les vitraux du bas-côté sud content l’enfance du Christ et la vie de la Vierge Marie.
L’atelier Gruber crée en 1973 un ensemble de vitraux contemporains pour remplacer les verrières manquantes. Dans le chœur, le vitrail de Saint Etienne et de l’Ascension prend une place centrale montrant toute la verve coloriste de cet artiste spécialiste de l’histoire de l’art médiéval. Les verrières de la vie de Saint Paul et des Saints locaux s’harmonisent au style d’origine de l’édifice tout en respectant son histoire.
Cet ensemble dynamique se perd dans l’abstraction des verrières supérieures du chœur intitulées la «Gloire du ciel».
Détail de l’arche de Nöe et de la Nativité – Vitraux du XVIe siècle
Détail du Vitrail de Saint Paul – Jean-Jacques Gruber.
De tous temps le pont de l’Aube a joué un rôle stratégique sur la route impériale 95, devenue RN 77 puis RD 677. Rendu célèbre par la bataille que livra ici Napoléon contre les armées de Schwarzenberg les 20 et 21 mars 1814 et par le tableau qu’en fit Beaucé*, le pont de bois est démoli en 1858, remplacé par un pont de pierre, plus solide et plus large.
En 1940, il n’est pas atteint par les bombardements des 13 et 14 juin qui anéantissent une grande partie de la ville, mais le 15 juin, à 5 h du matin, ce sont les soldats du génie (armée française) qui le détruisent pour enrayer la progression ennemie.
Reconstruit durant l’Occupation, des combats ont lieu sur ce pont lors de la libération de la ville. Les Allemands le font sauter le 27 août 1944 afin de protéger leur retraite.
Rapidement, la population arcisienne se met à l’œuvre et travaille jusqu’à la nuit pour rétablir ce passage sur l’Aube. Le lendemain, dès 5 h, le travail reprend pour se terminer en fin de matinée. A 14 h, le premier blindé américain passe le pont sous les acclamations d’une foule enthousiaste.
*«Napoléon au pont d’Arcis-sur-Aube», tableau peint en 1853 par Adolphe Beaucé (1818-1875). L’original se trouve au château d’Arcis.
Le pont détruit par les Allemands le 27 août 1944
Aux XVIe et XVIIe siècles, Arcis-sur-Aube connaît une importante activité de tissage et commerce d’articles des tisserands (tisseranderie) et de tissage de laine (sergerie). Les Serges de Saint-Nicolas, production locale, sont très réputées.
Il existe alors deux moulins à foulon pour le travail des toiles et, en relation avec une tannerie, un moulin à tan qui écrase l’écorce de chêne pour préparer les peaux.
Au XVIIIe siècle, les moulins à foulon laissent place à d’imposants moulins à blé construits en dur. Un premier moulin, dit Moulin de la Ville côtoie un plus important, dit Moulin de Commerce qui se trouve sur l’île de Cherlieu. On y accède par un pont jeté au-dessus du déversoir. Plusieurs habitations complètent ces usines. A cette époque, l’île de Cherlieu connaît une forte activité, mais le 5 septembre 1910 le Moulin de la Ville est victime des flammes et ne sera pas reconstruit. Quant au grand moulin, il est abandonné quelques années plus tard. Aujourd’hui, seules demeurent visibles les fondations de ces constructions. L’île est occupée désormais par le camping municipal pour lequel un nouveau pont a été construit en 1973.
Sur la rive droite de la rivière, une tannerie-corroierie*, établie en 1840, travaille les peaux jusqu’en 1921.
* La corroierie consiste à préparer les peaux avant d’être livrées aux cordonniers, bourreliers et selliers.
Tannerie – Moulin de Commerce – Moulin de la Ville
Le comte de Labriffe (1772-1839), seigneur d’Arcis, fait construire en 1826 une filature sur l’île de Cherlieu. D’une longueur de 25 m, élevée sur pilotis, la bâtisse en pans de bois et torchis comporte trois étages. Cette imposante usine emploie jusqu’à 200 ouvriers au cours du XIXe siècle.
Achetée en 1858 par le comte Armand, cette filature devient manufacture de tissus élastiques destinés à la confection de gaines et de corsets féminins. Cette usine est dénommée par les arcisiens La Caoutchouterie.
Après une période d’inactivité, les ateliers sont repris par une bonneterie qui fabrique des bas de laine et des bas de coton, employant alors une vingtaine d’ouvriers.
Le 22 novembre 1904, un incendie détruit totalement le bâtiment. Il ne reste plus aujourd’hui que les vannes et la passerelle qui permettait l’accès depuis la plage au nord.
Scierie sur l’eau
Sur la rive droite de la rivière, face à la filature, une scierie travaille les bois venus par flottage des communes en amont. Les troncs sont reliés entre eux pour former des radeaux : les «Bresles».
Cette scierie tire son énergie d’une machine à vapeur. Son activité cesse vers 1920, le transport des bois par flottage est abandonné suite au développement des transports ferroviaires et routiers.
«Quant à moi je n’appartiens pas à Paris. Je suis né dans un département vers lequel je tourne toujours mes regards avec plaisir…». Ainsi s’exprimait Danton à la Convention le 25 septembre 1792.
Georges Jacques Danton naît à Arcis-sur-Aube le 26 octobre 1759. Toute sa vie, il reste très attaché à sa ville et à ses habitants.
Scolarisé à l’école communale, mais plus amoureux des baignades dans le Pleuvard que des bancs de l’école, il est placé à l’âge de 10 ans au petit Séminaire de Troyes, puis inscrit en 1775 dans un collège laïc plus libéral : la pension Richard.
Ce libéralisme lui convient, il s’éprend de littérature classique, des langues étrangères (italien et anglais) et sort de cette école parmi les meilleurs, d’où la distinction d’élève inter bonos.
Il achète une charge d’avocat, s’installe à Paris où il commence à fréquenter les clubs de pensée : la Société des Droits de l’Homme et du Citoyen (avec Desmoulins et Marat) puis le club des Cordeliers dont il est élu président.
Au cœur du tourbillon des évènements dans la capitale, il vient se ressourcer dans sa ville natale. En septembre 1791, il achète pour sa mère une maison située au bord de la rivière Aube.
C’est là qu’il vit des moments de félicité, au milieu des gens qu’il aime et qui le lui rendent bien. Son dernier séjour date de l’automne 1793, il est guillotiné à Paris le 5 avril 1794.
Cette maison, habitée par sa famille jusqu’en 1887, est détruite lors du bombardement du 14 juin 1940.
Acte de naissance de Georges Jacques DANTON, conservé dans les registres paroissiaux de la ville.
Sur la vaste place Gambetta débouchent la rue de la Cité et la rue Neuve ou «côte des trois Maures» qui suit le tracé de l’actuelle rue de Châlons. Au bas de cette rue, à droite, se trouve l’hôtel des trois Maures, devenu l’hôtel de la Poste où s’arrête la diligence reliant Troyes à Châlons. A cette époque, la mairie est installée derrière cet établissement. Ces bâtiments disparaissent à la fin du XIXe siècle pour laisser place à la Caisse d’Epargne construite en 1906-1907.
Sur cette même place, s’élève l’imposante Maison du Président appartenant à la famille Lhuillier dont l’un des derniers représentants est président du tribunal. Elle correspond à la Maison Beauvisage décrite par Balzac en 1837 dans son roman Le Député d’Arcis.
Hôtel des trois Maures – Maison du Président
Bateau-lavoir
Au début du XXe siècle, on peut croiser, rue Neuve, les lavandières avec leur brouettes chargées de linge. Elle se rendent au bateau-lavoir qui est amarré le long du quai, quelques mètres en aval du pont.
Un règlement municipal régit l’utilisation de ce lavoir flottant. Le dernier bateau-lavoir est acheté par la ville en 1930. Il est inutilisé depuis plusieurs années, lorsqu’il disparaît une nuit de février 1976 lors d’une période de grande crue ; il n’est pas renfloué. La rampe qui permettait d’y accéder existe toujours.
Aujourd’hui la rivière Aube n’est plus navigable mais les noms de rues évoquent d’anciennes activités : rues de la marine, du quai, des mariniers, du port au charbon… On dit que sainte Geneviève, lors du siège de Paris en 456, vint jusqu’à Arcis charger 11 bateaux de vivres pour les Parisiens. Légende ou réalité, on note le rôle important de la rivière dès cette haute époque.
Au XVIIe siècle, un commerce très actif se développe sur l’Aube au départ d’Arcis, principalement celui du poisson vendu dans des bateaux dénommés «boutiques à poissons».
La navigation prend son essor à partir de 1720 grâce au bienfaiteur Grassin. Il fait à ses frais aménager des quais et recreuser la rivière pour développer la batellerie, avec des droits de péage insignifiants. Outre le flottage des bois assemblés en radeaux et dénommés «bresles», la rivière est utilisée par de gros bateaux à fond plat appelés «margotats». Ils sont chargés au port d’Arcis de grains, de vin, de bois des Vosges, mais aussi de charbon de bois en provenance de Piney et de la forêt d’Orient.
Une drague assure la navigabilité de la rivière en extrayant le gravier qui sert à l’entretien des routes. L’arrivée du transport ferroviaire met fin aux activités de commerce fluvial arcisien.
Des imposantes maisons de négociants implantées sur ce quai, subsiste cette demeure aux allures italiennes avec un haut rez-de-chaussée à usage d’entrepôt, témoin de cette période faste pour la ville.
Les travaux de l’école de garçons édifiée à partir de 1912 sur les plans de Gustave Montenot, architecte d’arrondissement, sont terminés pour la rentrée de 1914… qui n’a pas lieu ! La guerre est déclarée.
Réquisitionné par les autorités militaires, le bâtiment aménagé en hôpital reçoit les blessés venus du front par train sanitaire.
Après la guerre, le bâtiment reprend sa vocation première d’école de garçons sous le nom d’école Jules Ferry.
Lors d’un séjour, été 1942 à Aurillac, le docteur Gérard Destruels, maire d’Arcis, originaire du Cantal, rencontre son homologue Antony Joly, natif de Ay (51), avec lequel il évoque la possibilité d’un marrainage entre ces 2 communes. Le 4 novembre 1942, le Conseil municipal d’Arcis est informé de l’octroi d’une aide financière de 25 000 francs pluriannuelle.
Cette année là, collectes, représentations théâtrales par les écoliers d’Aurillac et dons apportent un Noël inespéré aux enfants et sinistrés d’Arcis.
L’aide financière permet d’acquérir des terrains et de construire, jouxtant l’école de garçons, une école de filles qui prend le nom d’école Aurillac.
Jusqu’au début des années 1960, les écoles séparent garçons et filles, seule l’école maternelle, autrefois appelée salle d’asile, réunit tous les enfants.
Actuellement, tous partagent les salles de classe et les cours de récréation dans cet ensemble appelé Ecole élémentaire Aurillac, pour perpétuer le souvenir.
La qualité des orges de la Champagne est à l’origine d’une brasserie exploitée dès 1843 par un strasbourgeois, Guillaume Widmann, qui décède en 1865.André Schmidt, brasseur alsacien, reprend et développe l’affaire en faisant construire de nouveaux bâtiments.
Les caves creusées sur 3 niveaux, sont destinées à la conservation de la bière mais aussi à entreposer des pains de glace découpés dans les eaux gelées des ballastières locales ou de la Gironde*. Cette glace est indispensable à la fermentation dite «basse».
La bière est commercialisée sous les marques A. Schmidt, puis Schmidt & Johner ou encore «La Moderne», avec des limonades et des eaux gazeuses.
En décembre 1916, un incendie détruit l’unité malterie qui n’est pas reconstruite. L’activité cesse en 1930, les biens sont vendus aux enchères. Durant la dernière guerre, les entrepôts sont utilisés par les Allemands pour la réparation de chars. Des bâtiments rasés vers 1945, il subsiste l’habitation initiale et de petites dépendances.
Face à sa brasserie, André Schmidt fait construire en 1890 la villa Primerose, considérée comme une des plus belles demeures d’Arcis.
Chaque façade a sa propre composition, soulignée par des frises en carreaux de céramique et des bas-reliefs inspirés par l’origine et l’activité du propriétaire.
Eugène Gabriel, architecte à Bar-sur-Aube, Louis Drothier et Louis Hublot, sculpteur et maçon arcisiens, ont leurs noms gravés sous le balcon de l’entrée.
*La Gironde : Affluent rive gauche de l’Aube – Source à Torcy-le-Grand – Confluence en bas du parc du château
En 1861, débute la construction d’une maison d’arrêt et de correction, selon les plans de l’architecte du département Edmond Garrel.
En 1926, la loi Poincaré supprime la sous-préfecture d’Arcis et, de facto, le palais de justice et la prison (devenue terrain de jeux des enfants de la ville).
En 1945 elle reprend du service et héberge les prisonniers allemands, employés en journée à la reconstruction de la ville ou dans les fermes alentour.
Si les bâtiments sont détruits en 1956, les hauts murs d’enceinte, bâtis en craie et briques, sont encore visibles pour une grande partie. Ils servent de clôture ou de parois à l’habitation et à l’atelier édifiés sur cette emprise.
En 1880 en haut de la rue de Troyes, à l’emplacement d’un moulin à vent, messieurs Gérard et Fortier, bonnetiers, font construire des bâtiments de stockage ainsi qu’un modeste chalet qui, à force d’agrandissements, devient une très belle villa. Des ateliers sont édifiés en 1910 pour la fabrication de bonneterie de qualité, commercialisée sous la marque GEF. Pour les arcisiens, cette dénomination, Le Chalet, englobe indistinctement l’habitation et l’usine.
En décembre 2001, après plusieurs changements de mains et de noms, cette épopée industrielle prend fin, laissant 200 ouvriers sans emploi. En 2011, les bâtiments sont démolis.
Aujourd’hui, le site accueille d’autres activités : concession automobile, maison de santé, crèche, gendarmerie… Le Chalet est toujours là !
HODIE MIHI – CRAS TIBI, Aujourd’hui moi – demain toi
Cette maxime est inscrite au fronton du cimetière communal d’Arcis-sur-Aube.
Ce cimetière aménagé en 1784 sur l’emplacement d’un ancien prieuré est agrandi sur des terrains légués par Pierre Arnauld de Labriffe (1772-1839), dont le monument surmonté d’une obélisque est le plus imposant du lieu (tombe A).
Dans sa partie la plus ancienne, il accueille les sépultures d’Arcisiens qui ont marqué l’histoire de la ville :
1 • Louis Nicolas Hublot-Moreaux (1829-1897), entrepreneur de maçonnerie, marbrerie et sculpture installé en 1851 rue de Paris. Son fils Louis Gustave Hublot-Gouget (1853-1896). Tombe 18, Louis Emile Victor Hublot-Foy (1879-1949) fils. Ils signent de nombreuses constructions de qualité à Arcis et alentour.
2 • André Frédéric Ecoutin (1847-1925), juge d’instruction à Arcis. son fils Frédéric Omer Ecoutin (1886-1934), juge d’instruction à Bar-le-Duc.
3 • Almaïda Boulard (1842-1919) • «La Ville Reconnaissante», pour ses nombreux dons, notamment en faveur des sapeurs-pompiers.
4 • L’Alsacien André Schmidt (1837-1909) fonde la Brasserie éponyme, reprise par son gendre Frédéric Johner (1868-1915) associé à André Schmidt fils (1885-1958), qui en sera le dernier dirigeant en 1930.
5 • Arthur Charlut (1852-1929) • Charron, fabricant de voitures rue de Troyes. A noter la devise des anarchistes «Ni Dieu ni Maître». Voir Famille Charlut, tombe 17.
6 • Bazile Bérey-Sirault (1768-1835) • Famille noble – de Bérey – originaire d’Ecosse, installée en France début XVIe siècle. Son fils Bazile (1796-1873), architecte, auteur peut-être des dernières mairies-écoles construites en craie vers 1865-70.
7 • Sœur Françoise (Anne Bazin 1751-1837) «Sœur Françoise – la ville reconnaissante». Lors de la bataille d’Arcis, en 1814, l’armée prussienne assiège l’hôpital et menace les sœurs qui secourent les blessés. Sœur Françoise va au devant du chef d’état-major et le convainc de les laisser soigner les soldats des deux camps. Il met alors l’hôpital sous sa protection. Tombes 10 : tombes des sœurs Ursulines de l’hôpital.
8 • Hubert Carlet (1814-1880), conseiller à la cour d’appel de Paris. Ses fils : Jean-Jacques-Léon Carlet (1840-1896), sous-préfet et Jules-Henri Carlet (1841-1837), avoué près le tribunal civil de la Seine. Tous trois chevaliers de la Légion d’Honneur.
9 • Anatole Néty-Véron (1845-1887), Architecte à Arcis et alentour.
11 • Famille Loiselet. Marchands de grains rue de Troyes.
12 • Léon Navarre (1866-1942). Professeur, Maire d’Arcis 1930-1940.
13 • Pierre Descamps dit «Pierrot La Rose» (1927-2015). Avec son orgue de barbarie, artiste bien connu sur la butte Montmartre à Paris.
15 • Vve Marie-Angèle Dupont-Rigault (1850-1931), fait un don important pour la restauration de l’église. Une rue d’Arcis porte son nom.
19 • Enfants de Georges Danton et Antoinette Gabrielle Charpentier : Antoine (1790-1858), François-Georges (1792-1848). Sophie Octavie Rivière-Danton (1828-1892), fille d’Antoine. Tombes 24 et 25 : 2 cousines de Danton.
20 • Romulus Ludot (1810-1871), notaire, maire d’Arcis 1852-61 • Octave Edouard Ludot (1842-1896), son fils, maire d’Arcis 1894-96.
21 • Henri Castillard (1847-1927), magistrat à Arcis puis à Paris. Opposé au comte Armand, élu député en 1893. Sénateur de l’Aube de 1909 à son décès.
22 • Henri Victor Lhuillier-Doulet (1809-1876) et son fils Henri Paul Lhuillier-Gombault (1839-1922). Magistrats, dernier président du Tribunal d’Arcis. La Maison du Président (étape 11 de la balade).
23 • Général Ludot, Baron Denis Eloi, (1768-1839). Les campagnes de la Révolution et de l’Empire le font Général de brigade en 1813 avec titre de Baron. Pendant les Cent jours, il commande la 1ère Division de Cavalerie. Chevalier de St-Louis en 1814, Commandeur de la Légion d’Honneur en 1815, année où il se retire à Arcis. Mort au 60 avenue des Soupirs.
• Charles Nicolas André Ludot (1761-1825), son frère, chirurgien, maire d’Arcis 1814-22. (tombe 20, neveu et petit-neveu).
Porte Nord – Carré militaire
Au sud-est du cimetière, le Carré militaire inauguré en mai 1938 rassemble les tombes de 120 soldats français, dont 8 musulmans, morts pour la France et de 9 soldats russes.
Tombes militaires – loi du 4 avril 1873 : Ces sépultures aux ferronneries identiques renferment les corps de soldats français ou allemands de la guerre de 1870 (tombes 14 & 16).
Pierre Grassin, bienfaiteur de la ville d’Arcis
Jadis appelée Allée des Soupirs, cette voie dans la perspective du château, doit son nom à Pierre Grassin (vers 1689-1760), Baron d’Arcis et de Dienville, Seigneur de Dormant, Directeur Général des Monnaies de France…
Pierre Grassin achète en 1719 la terre d’Arcis et fait construire le château en 1721.
Il contribue personnellement à relever l’église ainsi que la ville détruite aux trois-quarts par deux grands incendies en 1719 et 1727 et obtient du roi Louis XV un secours de 100 000 livres.
Pour palier le déclin du tissage de la laine, en 1730, il fait venir d’Angleterre le premier métier à bras et en 1733 obtient l’autorisation de créer une manufacture «de bas au métier» qui entraîne un rapide essor de la bonneterie, 15 ans avant Troyes.
Dans le même temps, il développe la batellerie et les échanges commerciaux via la rivière Aube.
Il cède la terre et le château d’Arcis en 1753.
Sœurs de Notre-Dame de Bon Secours
Dans l’ex maison du Baron Ludot, 60 avenue des soupirs, l’abbé Paul-Sébastien Millet (1797-1880), fonde cette congrégation le 25 mars 1840, pour soigner les malades à domicile.
Cent cinquante ans avant que cette pratique soit reconnue, il a pressenti les avantages du maintien du malade dans son environnement.
La congrégation est présente en France, Italie, Irlande et Corée du Sud. La maison-mère est à Troyes.
Monument aux morts
Il est inauguré le 21 octobre 1923 pour honorer les 114 enfants d’Arcis morts pour la France. Conçu par l’architecte troyen Gustave Montenot, il est réalisé par Louis Hublot, maçon arcisien et Louis Morel, auteur de la statue de bronze : Le Baiser de la Victoire.
Cet artiste, né à Essoyes, est aussi l’auteur des groupes sculptés des monuments de Mailly-le-Camp et Troyes.
Hôpital
L’hôpital est fondé au XIVe siècle par Pierre d’Arcis, 73e Evêque de Troyes, homme d’une grande charité, pour venir en aide aux pauvres et aux malades.
Vers 1651, la gestion de l’établissement est confiée aux moines Cordeliers. Le grand incendie de 1719 anéantit une grande partie de la ville ; 106 maisons et la chapelle des cordeliers partent en fumée.
Après d’autres péripéties, en 1766, est construit un nouveau bâtiment en craie, au toit de tuiles surmonté d’un campanile, avec une cloche pour le service de la chapelle annexe ; c’est le bâtiment qui est devant vous.
Converti en hôpital militaire pendant la guerre de 1914-1918, il accueille un service de maternité quelques années plus tard.
Au fil des années les hôpitaux des petites villes ferment. Depuis 1973, c’est une maison de retraite. Les bâtiments sont transformés pour leur nouvel usage, avant de nouvelles constructions. En 1983 cet établissement prend le nom de son fondateur et devient «Résidence Pierre d’Arcis».
Les cordeliers
Les cordeliers appartiennent à l’ordre des frères mineurs fondé par Saint François de Salle en 1210.
L’origine du nom remonterait à saint Louis. Cordeliers veut dire «cordes liées» : ces moines portaient en ceinture une longue corde avec des nœuds à distance régulière, pouvant servir d’arme. A Arcis, les cordeliers se seraient établis en 1284.
Palais de justice
Le statut de sous-préfecture va de pair avec l’existence d’un palais de justice. Celui d’Arcis, est construit en 1790 à l’angle des rues de Troyes et Pasteur, à l’emplacement de la chapelle du couvent des Cordeliers. Le Palais de Justice est désaffecté en 1926.
En 1960 l’effondrement d’un mur entraîne sa démolition. Une banque est édifiée sur son emplacement.
Ecole des garçons
A l’angle de la rue des Anciens Fossés et de la rue des Cordeliers, ce grand bâtiment en craie construit vers 1845 abrite à l’origine une école de garçons qui devient école maternelle dans les années 1920. Actuellement il est utilisé comme école de musique.
Sous-préfecture
Arcis devient sous-préfecture après la Révolution suite au nouveau découpage administratif de la France.
Un bâtiment dédié est construit en 1845-1846 rue de Paris, conçu par Alexandre Bouché, architecte du département.
En 1926, elle est sur la liste des sous-préfectures suprimées. Épargné lors des bombardements de juin 1940, l’édifice abrite les services de mairie jusqu’en 1955 et devient ensuite bureau de poste.
Le 23 septembre 1888, la ville d’Arcis-sur-Aube inaugure dans l’allégresse la statue de Danton, sculptée par Léon-Eugène Longepied (1849-1888), et réalisée en bronze par la fonderie Thiébaut Frères.
L’artiste a reproduit l’attitude de Danton à l’Assemblée le 2 septembre 1792 lorsque, dressé, le bras droit tendu vers la frontière de l’Est, il prononça les paroles restées célèbres : «De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace… et la patrie sera sauvée !»
Cette statue est érigée grâce à une souscription publique en Champagne, puis dans la France entière. Elle est inaugurée par Edouard Lockroy, ministre de l’Instruction Publique, en présence de députés, sénateurs, conseillers de la Ville de Paris et des descendants de la famille Danton.
La statue est installée sur un piédestal en pierre posé sur un socle de deux marches au carrefour des routes de Châlons, de Paris et de Troyes. A cette époque, Danton tournait le dos à l’église et son doigt pointait le café disparu en 1940 «La Pomme d’Or», ce qui était source de bien des quolibets.
Miraculeusement épargnée par les bombardements de 1940, cette statue, réalisée selon la technique de la fonte à cire perdue, est creuse, ce qui lui vaut d’être dédaignée par les occupants allemands à la recherche de matière première.
Après les destructions de juin 1940, la statue est déposée dans la cour de l’ancienne sous-préfecture devenue, Hôtel de ville, bureau de poste, Justice de Paix et Caisse d’Epargne…
Le nouveau plan d’urbanisme prévoit la création d’un square au centre-ville, place de la République. La statue de Danton est reposée sur son piédestal au centre de ce square, officiellement inaugurée le 1er mai 1955, en même temps que les services de la mairie s’installent au château acquis par la ville en 1948.
Depuis ce nouvel emplacement, le doigt tendu de Danton n’indique plus un café, mais… la porte de l’église Saint-Etienne. Certains y ont vu l’incarnation d’un revirement politique !
La statue de Danton sans son piédestal dans la cour de la Mairie provisoire de 1940 à 1955
Quelques phrases célèbres de Danton des années 1792 et 1793 :
«Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple».
«La France doit être un tout indivisible».
«Il y aura des établissements nationaux où les enfants seront instruits, nourris et logés gratuitement».
«C’est le peuple qui nous a produits ; nous ne sommes pas ses pères ; mais nous sommes ses enfants».
«Il faut que dans toute la France, le prix du pain soit dans une juste proportion avec le salaire du pauvre ; ce qui excédera sera payé par le riche».
«On n’emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers».